Le jardin sous la pluie c’est nul: 1er épisode

Le jardin sous la pluie c’est nul: 1er épisode

Pour celles et ceux qui font un jardin pour la première année, c’est peut-être une douche froide que de réaliser qu’un jardin ne va pas de soi et qu’il ne suffit pas de semer/planter pour que ça marche… Et pour les autres vous savez que certaines années sont plus éprouvantes que d’autres pour mener à bien vos cultures, mais bon sang quelle année !

Jardiner c’est rentrer dans la complexité des écosystèmes et leur équilibre.

1ère chose à comprendre, aussi bonnes soit vos intentions, jardiner reste une perturbation majeure d’un milieu qui n’avait pas cette vocation à l’origine. Nulle part vous ne trouverez autour de vous, dans les milieux « sauvages » environnants, des salades plantées toutes les 30cm avec 2 rangs de tomates magnifiques tous les 50 cm avec une belle rangée de pois en son centre et quelques œillets d’inde égayant le parterre… Pourtant vous avez là une belle association en 3D vous permettant un gain d’espace, grâce au pois vous fixez l’azote pour les tomates et pour finir les œillets d’inde repoussent les ravageurs et attirent les auxiliaires. Alors bonne ou mauvaise idée ?

Mon premier jardin bio-intensif en 2015 6 espèces de légumes différentes plantés sur moins de 60cm, mieux que le jardin en 3D, le jardin en 4D ! En rajoutant la dimension temporelle à la dimension spatiale. Chaque légume laissant une fois récolté, l'espace à des légumes au cycle plus long de s'épanouir derrière. Dans l'ordre des récoltes: radis, salade, carotte, fêves, choux et ail...!

La question se pose car oui, vous avez tenté de densifier au maximum vos cultures en pensant 3 dimensions pour reproduire ce que fais la nature, vous avez apporté une légumineuse pour fixer l’azote et en redistribuer aux tomates, vous avez mis des fleurs pour la biodiversité et gérer certains ravageurs, bref sur le papier vous faites partie des jardiniers expérimentés qui essaient de travailler avec la nature plutôt que contre.

Pourtant, une ombre gluante obscurci vos promesses de récoltes…

La limace…

Résultat : Les pois ça fait 3 fois qu’ils sont semés, aucun n’a vu le jour, les salades perdent leur feuilles les unes après les autres et les tomates végètent pour les plus fortes pendant que quelques rats taupiers se régalent des autres par la racine… Pendant ce temps-là les quelques espaces de biodiversité laissés à l’abri de la lame de la tondeuse donnent l’impression d’exubérance, et narguent vos intentions d’imiter la nature.

Mais alors avant d’aller acheter le feramol qui réglerait vos soucis de limaces ou d’abandonner le jardin, prenez le temps de lire ces quelques lignes qui j’espère vous permettront de comprendre l’origine du ou des problèmes auxquels vous êtes confrontés.

Dans un second temps viendra l'épisode 2 (suite de cet article) qui vous proposera des « solutions » plus douces pour conserver des rendements intéressant au jardin même avec des printemps pluvieux et des "ventres sur pattes" en pagailles (gastéropode vient du grec : gastếr, « ventre  poús, « pied...! )

1ère partie Pourquoi jardiner ne va pas de soi ?

1) le jardin est une perturbation qui appauvri (momentanément) le milieu dans 99% des cas:

Je l’ai dit en introduction, jardiner c’est impacter un espace sauvage pour en faire un espace anthropisé, fait par la main de l’humain.

Et cela peu importe votre façon de jardiner que ce soit sur le modèle imitation de la nature/permaculture, ou la vision plus conventionnelle qui consisterait à stériliser le sol à coup de désherbant puis de poser des petites billes bleues pour les prédateurs de salades.

Un espace sauvage c’est un milieu qui tend vers l’équilibre, il s’y passe des milliers d’interactions qui tissent une toile complexe. Pour faire simple on mange bien et on se reproduit beaucoup et plus le milieu est riche plus il y’a de diversité de micro et macrofaunes (pareil pour les micro et macro organismes du sol) qui mangent bien et se reproduisent beaucoup tissant une toile complexe de la résilience de ces mini écosystèmes.

Et puis arrive la grelinette du permaculteur, la bâche noire, le paillage, le labour ou le glyphosate (quel embarras du choix !) qui font table rase de manière plus ou moins violente de l’orgie romaine qui allait transformer ce petit lopin d’herbe en une luxuriante forêt dans 300 ans.

Car oui Jardiner, telle qu’on l’entend aujourd’hui c’est maintenir l’évolution d’un petit lopin de terre qui serait devenu une forêt un jour, à l’un des premiers stades de la succession écologique que l’on appelle le stade prairie/herbacée ( la succession écologique : pour faire simple, c’est le processus par lequel sans perturbation majeure, une prairie -on pourrait même dire le caillou ou la roche mère à l’origine- se transforme en forêt à 99% si on laisse faire sur une échelle de temps suffisamment longue). Et pourquoi on fait ça alors ? Tout simplement car la strate herbacée dont font partie la plupart de nos légumes nécessite des besoins en lumière trop important pour être cultivée dans une forêt sans voir une chute de rendement drastique (il y a de nombreuses exceptions mais je simplifie pour faire un article "court" … :p )

Et donc pour maintenir l’élan de la nature qui s’élance tel des chevaux de courses vers la forêt il faut de l’énergie…et oui, un cheval au galop ça ne s'arrête pas tout seul..

Il faut alors soit des petits muscles (grelinette), soit du pétrole (paillage*, labour, bâche noire, glyphosate)
Bref pour avoir un lit de semences pour les pois, ou les carottes on a dû tuer toute la végétation d’un coup et travailler même superficiellement le sol pour avoir la granulométrie adaptée au semis

On a donc complétement perturbé le milieu :

  • Tout d’un coup des kg d’herbes fraiches sont mortes et doivent se décomposer, donnant un pic de nourriture à la faune du sol qui va se reproduire en conséquence... vu que c'est buffet à volonté, y a de quoi manger pour la progéniture !
  • Suite à ce pic, vient l’effondrement de la quantité de nourriture disponible car une fois décomposée il n’y a plus rien à consommer, sauf nos quelques chétifs légumes espacés de 30 / 50 (salades, tomates) ou 100 cm dans le cas des courges. Bref c’est un anneau gastrique qu’on pose à tout l’écosystème. Rien d’étonnant à voir des troupes affamées se jeter sur les quelques jeunes semis de légumes qui subsistent dans ce désert de paille (pour les tenants du « jardin au naturel ») ou de sol à nu (pour les conventionnels).
Et pourtant c'est une planche que je cultivais en bio-intensif en 2015, avec espacement très très rapproché à l'age adulte mais pendant 2 mois le sol reste juste paillé, là où il y aurait des graminées à foison..Ici carottes, radis, choux,salade, fèves, ail. Sur le côté droit de la planche les radis ont déjà été récolté laissant la place aux carottes et salades de s'épanouir
C'est la première grosse erreur dans nos jardins, affamer la faune du sol

La densité de végétaux est infiniment plus faible que la prairie que l'on a détruit pour l'implanter ( à moins de jardiner en bio-intensif comme sur la photo et même là pendant 1 à 2 mois à part des jeunes semis la faune phytophage n'a rien à se mettre sous la dent...)

2 ) Nos légumes « cultivés » sont incapables de rivaliser avec leur homologues sauvages.

Si vous faites un jardin depuis des années vous aurez surement remarqué qu’il y’a « nature » et « nature ».

Il y’a le sauvage:

Qui est un peu la formule 1, hyper adapté, résilient, increvable… Ceux qui tentent de s’en débarrasser cauchemardent parfois de rumex, d’orties, de chénopodes, d’amarante (qui résiste même au roundup !)., cirse, chiendent, chardon, liseron, bouton d’or, vergerette, etc.

Pour résumer : tu ne fais rien ça pousse tout seul, et si tu veux t’en débarrasser tu galères, heureusement certaines sont comestibles et bien plus riches en minéraux que nos légumes !

Et puis il y a nos légumes…:

  • Pour certains (haricots, carottes, pois etc), si tu ne leur fais pas un billard avec sol travaillé (grelinette à minima) et ameubli en surface oubli les semis pleine terre.
  • Parfois il faut les semer au chaud et les planter en pleine terre uniquement après les gelées (cucurbitacés, tomates etc)  
  • Sans oublier et cela les concerne tous, de désherber au pied parce qu’ils poussent lentement,
  • Il te faudra aussi les protéger des ravageurs par plein d’astuces ou de traitement sinon ils se font dégommer par les pucerons, les altises, les piérides, les vers les rats taupiers, les limaces, et les doryphores…
  • Et pour finir, si tu n'arroses pas en été et que tu ne pailles pas au pied tu peux dire adieu (sauf exception) à tes récoltes d'automne...ou les diviser par 2 ou 3 !

Pour résumer on a un truc robuste, le sauvage face à un truc bancal, le cultivé.

L’origine de tout ça est lié à 2 facteurs : L’origine géographique originelle de nos légumes et la domestication qui les a rendus appétant pour nos palais

  • L’origine géographique : Ce n’est plus un scoop mais ça vaut le coup de le rappeler, la plupart des légumes cultivés, hormis le chou, le navet et la carotte ne viennent pas d’Europe.

Dans les grandes lignes, le continent Américain nous a fourni lors de la découverte des Amériques, la Pomme de terre, la tomate, le maïs, le haricot, le poivron, le piment, les courges, les patates douces, la fraise etc 

Le moyen orient du fait d’échanges bien plus précoces nous a permis dès l’antiquité de cultiver chez nous de la  laitue, les asperges, les épinards,  la betterave, le céleri, les pois,  le fenouil et les radis.

L’Asie quant à elle a enrichi notre panier journalier des aubergines, concombres, crosne, gingembre, radis noir, soja, sans parler de la myriade de fruit (notamment la pomme)

Et finalement l’Afrique nous a permis de cultiver l’artichaut, la  pastèque,  et le melon

Donc cela va de soi malgré une acclimatation de plusieurs siècles qui a permis de les cultiver chez nous, certains problèmes de résistance, notamment au froid perdurent..!

Cela explique à la fois des levées de germination à 15- 20° pour les tomates, poivrons, aubergines, courges et des dégâts sur les feuilles voir des mortalités sur les plants à 0°C qui nous oblige à planter après les fameux saints de glace...

hmmmmmm tout s'explique !

Ces plantes n’étant pas adapté à pousser chez nous originellement sont donc assez fragiles et n’ont aucun pouvoir envahissant comme peuvent l’être nos plantes sauvages. Donc sans désherbage, sans leur donner une longueur d’avance, impossible pour elle de prendre le dessus sur le milieu environnant (encore une fois il y’a des exceptions, la France est riche de situations diverses, dans le sud de la France, la tomate peut être « envahissante », je parle là uniquement de généralités..)

On voit que la densité est bien au rendez vous une fois la planche en place mais il aura fallu 2 mois pour que la planche soit recouverte et ne nécessite quasiment plus de désherbage..! Pour moi le bio-intensif en 4 dimensions (spatiale et temporelle) reste la manière de jardiner la plus proche de ce que la nature fait, mais quel travail pour l'implémenter ! En revanche les rendements sont au rdv: 6 légumes différents cultivés sur moins de 60cm d'espacement en tout...! Test réalisé en 2015/2016
  • La domestication

Parce que dans la nature les légumes étaient souvent petits, amers, piquants, l’humain s’est amusé surtout à partir du XV ème et XVIème siècle à croiser certaines variétés par les pollens pour créer petit à petit des fruits plus gros, plus juteux, plus sucrés, moins piquants, moins amers, bref pour les rendre appétant pour nos palais et faciliter la récolte

La conséquence de tout ça est une fragilisation des légumes cultivés face à leur homologues sauvages. Souvent les parois ou peaux épaisses permettaient d’éviter les attaques de ravageurs suceurs, l’amertume repoussaient certains prédateurs, les piquants cela va de soi aussi. Bref cette douceur qu’on a sélectionnée progressivement a ouvert la voie à certains ravageurs.

De même certains gènes de résistances aux maladies ont été involontairement exclus du patrimoine génétique pour favoriser d’autres gènes (couleur, grosseur etc) donnant parfois des légumes fragiles à l’oïdium, le mildiou, la rouille etc moins présent sur les population sauvages de ces même légumes.

3) Le jardin au naturel favorise les dégâts des gastéropodes

Et c’est là que le bat blesse, en cultivant avec de la paille vous entretenez un milieu hyper favorable aux limaces et donc aux dégâts sur vos jardins. En effet le plus grand ennemi de la limace est la dessication, autrement dit le dessèchement…Elle trouve sous la paille un gîte parfait pour les journées chaudes et ensoleillées de printemps, tandis qu’elle peut ressortir à la première pluie venue, et ce n'est pas l’occasion qui manque cette année !

On verra par la suite que ce n’est pas du tout une mauvaise chose que d’avoir des limaces, c’est même super (sisi !) mais il va falloir faire quelques aménagements pour n’en subir que peu les conséquences.

Mais tout cela fera l'objet d'un second épisode pour laisser vos yeux se reposer après un article décidément encore trop long !

Dans cet article je tenterai de redorer un peu l'image des limaces et gastéropodes en général mais surtout de vous donner des solutions concrètes à mettre en place pour limiter leur dégâts sur vos zones "anthropisées" pour ne pas dire "artificialisées" (aussi jolies soient-elles) au doux nom de "jardin".

En attendant il me reste toujours des plants de légumes, fleurs et aromatiques à la pépinière !

Vous pourrez les trouver ici https://pepiniereplume.com/collections/nouveautes-2024

(attention pas d'envoi sur les légumes et les fleurs, l'envoi est réservé au vivaces, aromatiques, lianes etc)

Ici les plants au 20/05/24. Ils sont bien forts et pourront résister à l'attaque des gastéropodes ! Car oui si vous plantez avec printemps pluvieux il vous faudra des plants bien développés si vous voulez leur laisser une longueur d'avance sur la végétation et les ravageurs !

Avec l'échauffement des températures semaine prochaine une nouvelle fenêtre de plantation s'ouvre, à défaut que la pluie ne s'arrête totalement, il nous faudra je crois, se glisser entre les gouttes pour jardiner cette année.

Attendre que la pluie ne s'arrête est un pari risqué si le printemps continue à être pluvieux jusqu'à mi ou fin juin...

Bonne continuation à toutes et tous

Jean-Etienne.

*le paillage à moins d'être fauché à la main, nécessite un tracteur et donc du pétrole, c'est souvent oublié, mais pailler c'est aussi utiliser du pétrole chaque année..
Retour au blog