La sainte catherine c'est dépassé !

La sainte catherine c'est dépassé !

Je me permets de faire un petit article rapide un peu provoquant sur la fameuse date idéale de la Sainte Catherine pour la plantation des végétaux. C'est en effet une date repère souvent citée pour la plupart des planteurs et planteuses d'arbres qui peut parfois amener un certain stress dans vos conceptions en permaculture ou syntropie.

Car oui selon la légende "tout ce qu'on planterait à la Sainte Catherine prendrait Racine" !

Je comprends qu'on ai besoin de dates repères, et de simplification quand on se lance dans l'aventure du végétal pour la première fois. On veut souvent bien faire et comme les proverbes c'est de la sagesse ancestrale, personne ne peut vous en vouloir. :)

Mais quand même, prenons le temps de nous poser 2, 3 minutes et de réfléchir au sens de cette phrase et d'observer notre environnement. Vous savez l'observation si importante à la Permaculture...

A l'origine, le fameux dicton de la Sainte Catherine faisait référence à la bouture en bois sec.

Image d'une bouture de bois de figuier (pour le coup en fin d'hiver et non à l'automne) pour illustrer que tout bois prend racines et pas que à la Sainte Catherine !

Cette technique consiste à enfoncer dans le sol un simple morceau de bois ou une branche issu d'un végétal que l'on vient de couper, sans racines ni feuilles, pour qu'il pousse et fasse des feuilles au printemps. Et c'est au moment de la Sainte Catherine que la bouture en bois sec fonctionne le mieux (encore que février n'est pas mal non plus..)

Au fil des siècles, le dicton s'est étendu du simple bois bouturé à l'arbre entier, englobant maintenant la plantation d'arbres et d'arbustes, en racines nues ou en pot (alors que ça n'a aucun sens pour les pots qui peuvent se planter toute l'année si l'on suit l'arrosage car le système racinaire est indemne et sans trauma pour le végétal !)

Donc tout le monde répète à tue-tête un proverbe -qui à l'origine était conçu pour la bonne reprise des boutures- comme étant la vérité absolu sur la bonne reprise d'un arbre fruitier...!

Et parfois même, on entend par déformation (on est plus à un détail près..), que le jour de la Sainte Catherine serait le seul jour de l'année où les arbres pourraient être plantés...

Petite pensée solidaire pour tous les gens qui se mettent une pression folle pour tout planter en un jour...

On verra que c'est malheureusement très réducteur voir parfois contre productif...

Et oui avec ce genre de dicton les pépiniéristes sont eux aussi obligés d'être là au rendez vous. Avec parfois des clients à bout de nerf, qui ont prévu leur chantier participatif depuis 2 mois pour planter leurs 400 arbres dans la journée et peuvent parfois être relativement...comment dire...tendus...dans leur exigence de livraison...

Certains pépiniéristes déroulent le tapis rouge pour le clients peu importe ce que cela implique et commencent l'arrachage mi Septembre pour servir le client Roi.

D'autres, tentent d'informer leurs clients des inconvénients de sortir les arbres trop tôt de terre et commencent l'arrachage au moment de la chute des feuilles.

On a donc là deux approches de la pépinière qui s'opposent complétement sur le fond et la forme. L'une construit le sens et les paysages de demain, l'autre rempli le portefeuille et fragilise l'arbre en tant qu'entité.
En général c'est le passage comme dans beaucoup de domaine de l'échelle "artisanale" à l'échelle "industrielle"...

Mais qu'est ce que cela implique:

Sans rentrer dans un cours de physiologie végétal il y a 2 grandes incidence sur votre futur protégé.

1) Vu les étés indiens que l'on a maintenant chaque année, la phase de croissance de l'arbre ne s'arrête pas aussi tôt qu'auparavant, on peut encore avoir des pousses vertes et tendres sur le haut de nos fruitiers début à mi novembre. En l'arrachant dans cet état précoce, on va donc couper l'arbre dans sa phase de croissance et l'interrompre dans son processus de lignification -de durcissement, et de transformation en bois de ses tissus tendres- afin de se préparer au froid de l'hiver

.

Ce qui entraînera bien souvent la mort du bourgeon apical de l'arbre (le bourgeon le plus haut) et de toute la partie encore tendre en cas de gros gel durant l'hiver. Cela impactera directement son système racinaire car c'est l'hormone du bourgeon apical qui pilote la prospection racinaire au printemps.

Pour faire cours il va avoir du mal à redémarrer et prospecter le sol au printemps le temps qu'un autre bourgeon prenne le relais, c'est donc une perte sèche pour l'été en terme d'implantation et de résilience face la sécheresse.

2) La seconde grande incidence, qui est surement la plus visible pour le néophyte..Un arbre mi septembre il a des feuilles, début novembre aussi, et mi novembre aussi !

Donc quand le pépiniériste vous vend un arbre sans feuille mi septembre, il va falloir l'effeuiller ! Sinon l'arbre risque de mourir d'asséchement, car oui, il transpire une grosse partie l'eau qu'il boit du sol par des petits organes sur la feuille nommés "stomates" (processus "d'évapotranspiration")

Quand c'est un petit pépiniériste il le fait généralement à la main.

Pour faire simple et efficace, "les géants du vert" passent simplement un défoliant qui permet de sortir les arbres le lendemain.

Mais concrètement, si on met de côté la problématique d'utiliser un produit toxique pour défolier (chacun sa vision après tout..) c'est quoi le problème d'enlever les feuilles (mécaniquement ou chimiquement) d'un arbre avant qu'elles ne tombent d'elles même?

La question à 100 000$...!

Et bien c'est quoi une feuille?

C'est une usine qui transforme l'énergie du soleil et les gaz de l'atmosphère en sucre afin de permettre à l'arbre et à ses racines de croître. Quand les feuilles sont vertes et bien accrochées, l'usine fonctionne encore, et participe à la croissance de l'arbre. Les sucres et minéraux sont encore stockés dans sa structure sous forme d'amidon et ne seront complétement évacués qu'au moment de la sénescence de la feuille.

Plus les jours raccourcissent, plus la photosynthèse diminue, l'arbre commence alors le transfert des réserves nutritives dans sa structure: le tronc et les racines et ferme les écoutilles en operculant le bout du pétiole afin de se protéger des attaques de champignons ce qui entraîne mécaniquement la chute de la feuille.

A ce moment là et uniquement à ce moment là...! l'arbre a terminé le transfert de ses réserves nutritives pour passer l'hiver et a chimiquement et mécaniquement (via des tanins et du liège) fermé ses "écoutilles" aux millions de spores de champignons qui veulent se nourrir de son bois..

Donc il subsiste au ralentit en hiver uniquement grâce à ses réserves d'amidon dans lesquels il va taper jours après jours, et c'est aussi grâce à ses réserves qu'il va trouver la force de faire éclore ses bourgeons au printemps et lancer les jeunes radicelles qui iront explorer le sol en quête d'eau et de nutriments...

Conséquence d'un arrachage trop précoce?

Une partie de la réserve nutritive n'est pas disponible obligeant l'arbre à jeûner et donc potentiellement faire mourir une partie de sa structure voir la totalité dans les cas critiques.

Et un risque d'entrée de spores de champignons via l'effeuillage manuel ou chimique qui multiplie les blessures plutôt que de laisser le temps au végétal de faire son liège pour fermer "les portes".

Donc voilà...l'arrachage trop tôt en saison, c'est une fausse bonne idée.. ! On peut le pratiquer, si on a pas le choix quelques jours avant la chute normale quand le processus de sénescence est entamé mais surement pas dès le mois de septembre...

Concrètement cela implique quoi par rapport à la Sainte Catherine (c'était le sujet initial non)?

Et bien il y a encore 10 ans... au mois de novembre il gelait et les températures étaient proche de 5° :).

Les feuilles avaient le message qu'il fallait se dépêcher de finaliser le stock pour l'hiver et d'envoyer tout ça dans le tronc et les racines.

Depuis... on a des mois de septembre et d'octobre -comme cette année- caniculaires, des mois de novembre équivalent à des mois de septembre...des floraisons qui repartent courant Octobre..

et les premières gelées qui n'arrivent que maintenant (ouf...elles arrivent...).

Tout ça pour dire que la Sainte Catherine était surement un bon repère dans le temps pour déraciner un arbre et donc le replanter, mais aujourd'hui il faudrait au bas mot rajouter 5 à 7 jours.

C'est la raison pour laquelle je vais commencer mes arrachages courant semaine prochaine pour les fruitiers qui ont commencé à perdre leur feuilles et que les arbres ne seront disponibles qu'à partir du week-end du 2-3 Décembre. C'est le prix à payer pour rester dans la physiologie de l'arbre et lui donner toutes les chances d'une bonne reprise printanière...!

Donc la période de plantation c'est quand?

Et bien ne vous inquiétez pas pour la date de plantation...! Une fois les feuilles tombées fin novembre, début décembre, l'arbre est pour le coup vraiment en repos végétatif et ne commencera à prospecter le sol qu'à la fin d'hiver. De mes observations, prunes et cerises commencent l'émission de nouvelles racines que fin février début mars, et le pommier poirier autour de début à mi mars. C'est la raison pour la quelle la Sainte Catherine donnait auparavant le coup de départ des plantations mais en rien la fin. Vous pouvez planter sans problème jusque fin février début mars en évitant toutefois les jours de gel afin de ne pas abîmer vos systèmes racinaires lors de la plantation.

C'est même préférable pour certains végétaux un peu sensibles aux froids au stade juvénile, tels que les figuiers, vignes, kiwis, kiwais, feijoa, eucalyptus, asiminier etc. Qui se porteront bien mieux si la plantation à lieu à la toute fin d'hiver (début à mi mars.)

Bref pour toutes celles et ceux qui ont prévu des gros projets de plantations (je pense notamment aux grosses conceptions syntropiques ou en permaculture) soufflez un coup, prenez le temps de peaufiner vos designs, préparer vos emplacements de culture et plantez un jour où il fait bon avec un grand soleil plutôt que spécifiquement le jour de la Sainte Catherine!

J’espère avoir été clair à défaut d'être concis, et que cela vous conforte dans votre choix de passer par des petits pépiniéristes passionnés plutôt que des usines, ou des "Amazon" du végétal.

Au plaisir d'échanger :)

Jean-Etienne

 

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